Le roman L'Étranger d'Albert Camus se déroule dans les années 1930 en Algérie, alors colonie française. La population de cette colonie se composait d'une majorité (environ 85 %) d'Algériens autochtones, pour la plupart musulmans, et d'une minorité (environ 15 %) de Français et d'autres Européens, également appelés "pieds-noirs". Le pays était profondément marqué par des disparités sociales. La République française, encore une puissance coloniale dominante, contrôlait, par l’intermédiaire de résidents français, les postes clés dans l'administration et la justice, ce qui engendrait une profonde injustice sociale. Une élite française imposait sa culture et ses normes à la population autochtone.
Dans le roman de Camus, L'Étranger, on peut observer ces injustices sociales. Une thématique centrale émerge : un personnage qui ne se conforme pas aux normes sociales imposées. Meursault devient ainsi victime de préjugés.
En analysant la scène du tribunal, on identifie plusieurs aspects clés de la situation sociale en Algérie française. Lors du procès, la victime, "l'Arabe" que Meursault a tué, est presque totalement ignorée. Le fait que la mort de cet homme, contrairement à celle de la mère de Meursault — un thème central du roman — soit négligée illustre comment les Arabes étaient perçus comme moins humains. Ce phénomène persiste tout au long de l’histoire. La simple désignation du personnage comme "l'Arabe" le réduit à son origine et lui retire son humanité.
Il en va de même pour Meursault, qui, tout au long du procès, perd lui aussi son humanité et devient une victime du tribunal et de l'institution judiciaire. Ce n’est pas son crime qui est réellement jugé, mais lui-même, à travers le prisme des préjugés. Les juges ne cherchent pas à répondre à la question de sa culpabilité pour avoir tué "l'Arabe", mais à déterminer s’il a "moralement tué sa mère". (p. 117)
"Il a déclaré que je n'avais rien à faire avec une société dont je méconnaissais les règles les plus essentielles" (p. 118-119).
Ces témoignages montrent bien que Meursault est jugé non pas pour ses actes, mais parce qu’il ne se conforme pas aux normes d’une société qui, elle-même, ne respecte pas l’humanité de tous ses membres. Cette notion de jugement social est déjà visible dans une scène précédente, lorsqu’il décrit les regards posés sur le cercueil de sa mère :
"J'ai eu un moment l'impression ridicule qu'ils étaient là pour me juger." (p.12)
Meursault est un étranger : dans le contexte colonial, un "pied-noir", mais aussi dans la société de son temps. De la même manière que les Français traitent les Arabes avec mépris et manque de respect, Meursault est également traité injustement durant son procès. Les normes des autres dans la salle lui sont imposées, comme la culture française l’est sur les Arabes.
Mais la question reste: Camus était-il réellement charismatique ?